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Quelques preuves empiriques autour des services de mobilité à la demande

Interview Gregoire_Lisa

Le transport à la demande s’inscrit dans une tendance mondiale. Mais de quoi s’agit-il exactement ? C’est un mode de transport qui, au lieu de fonctionner selon des lignes et des horaires fixes, ses itinéraires sont optimisés en fonction de la demande ou des réservations. Afin de comprendre un peu mieux l’impact de la mobilité à la demande sur l’environnement, Grégoire Bonnat, co-fondateur et Président de Padam Mobility, a interviewé Lisa Dang, associée de recherche à l’Université de Lucerne, à propos de ses conclusions tirées suite à la publication de sa récente étude sur le sujet.

Lisa, vous êtes de l’Université de Lucerne et vous avez récemment publié votre étude sur les impacts de la mobilité à la demande sur l’environnement. Pourriez-vous commencer par décrire brièvement l’objet de votre étude ? 

Dans notre étude, nous avons examiné les effets des services de mobilité à la demande sur la durabilité en termes d’émissions et de volume de trafic. Pour notre analyse, nous avons créé quatre scénarios de service conçus pour être aussi réalistes que possible, en fonction du niveau d’intégration de la mobilité à la demande dans les transports publics : 

  • Service en exploitation classique et à la demande (ou sous réservation) – On-Demand Line Operation : consiste en un service qui fonctionne comme une ligne de bus  » classique « , mais qui est doté d’une composante supplémentaire « à la demande » ; 
  • Service à la demande en complément du transport publicOn-Demand Public Transport Supplement : consiste en un service qui fournit une extension des lignes de transports publics et qui est utilisé, par exemple, uniquement pendant les heures creuses lorsque les services de transport public sont peu fréquents ; 
  • Service à la demande en remplacement des transports publicsOn-Demand Public Transport Replacement : consiste en un service qui remplace les transports publics par des arrêts virtuels, par exemple pour des trajets de porte-à-porte ;
  • Service à la demande en concurrence des transports publics – Commercial On-Demand, un service qui concurrence directement les transports publics et vise à attirer les usagers. 

L’objet principal de notre étude était la comparaison d’une zone rurale, Glarus Sud, avec une zone urbaine, Bâle St. Johann, toutes deux situées en Suisse. Les calculs de l’étude ont été basés sur un modèle de simulation de niveaux de durabilité, créé sur Excel. Les données d’entrée pour nos simulations ont été tirées de la littérature, et données empiriques de projets pilotes.

D’après votre simulation, quel scénario de service est le plus efficace ?

Dans les scénarios que sont celui du service en complément, en remplacement et en concurrence, on peut s’attendre à une augmentation significative des émissions de CO2, car une part considérable des usagers de ces services provient des modes de transport les plus respectueux de l’environnement, à savoir les transports publics ou les transports non motorisés. 

La mise en œuvre d’un scénario de service à la demande en complément reste néanmoins recommandable. On observe en effet dans ce cas de figure des effets positifs en termes d’émissions de CO2 car de nombreux usagers passent du taxi/VTC ou de la voiture individuelle au service de transport à la demande, plus écologique.

Quelles seraient vos conclusions concernant le volume du trafic ?

Dans tous les scénarios de service et dans les deux contextes spatiaux, la circulation routière supplémentaire est une conséquence des services de transport à la demande. Il est généré un trafic supplémentaire parce que, selon les hypothèses de notre modèle, une proportion considérable d’usagers dans tous les scénarios passe du transport public ou non motorisé aux services de transport à la demande. De plus, cela s’explique en partie par le faible taux d’occupation des services de transport à la demande, causé par un faible degré de mutualisation des trajets et un pourcentage élevé de kilomètres à vide. 

Avez-vous constaté des différences intéressantes entre les zones urbaines et les zones rurales ?

Oui, les résultats de la simulation concernant l’influence de la zone sur les avantages des services de transport à la demande montrent que les scénarios en remplacement et en concurrence génèrent des émissions de CO2 supplémentaires plus importantes en zone rurale qu’en zone urbaine.

Le scénario de service en complément, qui est le plus favorable, conduit quand même à une réduction des émissions de CO2 dans les deux zones, avec une réduction plus importante des émissions de CO2 en zone urbaine. Cependant, en zone urbaine, il est observé un impact négatif sur le volume de trafic en termes de kilomètres.véhicules supplémentaires puisque la demande de transport public collectif est reportée sur celle des véhicules de transport à la demande moins mutualisés.

Finalement, quels sont les facteurs qui influencent le bilan écologique de la mobilité partagée à la demande ?

En calculant les sensibilités, notre étude montre quels sont les facteurs qui ont influencé le bilan écologique et quelle est l’intensité de leurs effets. Le changement de modèle et la technologie du système de propulsion ont une forte influence sur le bilan écologique et le volume de circulation. Sur ce dernier point, nous pouvons dire que le changement de modèle, l’utilisation moyenne et le taux de mutualisation ont une influence particulièrement élevée sur le trafic généré. 

Si la majorité des déplacements pouvaient être transférés du transport privé motorisé vers les nouveaux services de mobilité à la demande et si, au même moment sur ces services une capacité moyenne supérieure à celle d’une voiture individuelle pouvait être atteinte, il pourrait s’observer des effets positifs sur la voirie et l’environnement. Ces paramètres sont particulièrement importants dans les zones à forte densité de population et à fort volume de trafic.

En ce qui concerne les effets environnementaux, nous constatons que l’introduction de services de transport à la demande entraîne une diminution de la circulation et une réduction rapide des émissions de CO2, si l’on se base sur des hypothèses optimistes qui se reposent sur la mutualisation de trajets, un faible nombre de kilomètres à vide et l’abandon des voitures individuelles. De plus, l’électrification de la flotte de véhicules des services à la demande a un impact majeur, tandis que la distance moyenne par passager n’a qu’un faible effet. 

 

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