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Transport public au Royaume-Uni : la variante anglaise

Transport public au Royaume-Uni

Des décennies de privatisation et de laisser-faire ont laissé le transport public au Royaume-Uni exsangue. Le pays s’est taillé une réputation de far-west ultra-libéral en matière de transports en commun, laissant les usagers sur le bas-côté, au sens propre. Mais le pays se prépare à une petite révolution. 

“I love buses”. Ainsi commence l’avant-propos de la National Bus Strategy, signé Boris Johnson. Le document de 84 pages intitulé Bus Back Better détaille par le menu comment le Royaume-Uni compte soutenir  l’importance stratégique des bus pour la réalisation d’objectifs nationaux, de l’objectif zéro émission à la relance économique post-Covid-19. 

Un virage à 180° dans un pays où, depuis les privatisations de 1986, certaines zones ne disposaient plus du moindre service de bus. Lignes fermées et billets au tarif prohibitif avaient divisé par deux la fréquentation des transports publics routiers. 

Jusqu’ici, l’Angleterre était un des très rares pays où les systèmes de bus étaient laissés aux mains du privé. Seule Londres faisait exception : citée en exemple de transport public rentable, Londres bénéficie avant tout d’une densité exceptionnelle qui ne la rend comparable avec aucun autre territoire. 

La crise du Covid semble partie pour lancer une vraie transformation.

Transport public au Royaume-Uni : infrastructures, véhicules et technologie

Ce qui surprend en premier dans la National Bus Strategy, c’est que c’est une stratégie. Comme le détaille Beate Kubitz, consultante en transports: “Elle assume le plein potentiel des bus pour transformer la société. C’est un manifeste pour le changement qui commence par détailler avec précision comment le système de bus a abandonné ses passagers et comment, en abandonnant ses passagers, il a abandonné des communautés entières, aussi bien urbaines que rurales”. 

Cette stratégie intègre les besoins en infrastructures. Voies de bus réservées, véhicules zéro émission, et le socle technologique, qui permettra non seulement de mieux gérer les tarifs, mais d’intégrer pleinement cette nouvelle offre dans la mobilité servicielle (MaaS).

“Il s’agit d’accélérer le passage aux véhicules zéro émission et de décarboner les réseaux de transport du Royaume-Uni”, a indiqué Kwasi Kwarteng, secrétaire d’Etat aux Affaires, à l’Énergie et à la Stratégie industrielle. 

Transport public au Royaume-Uni : 3 milliards d’investissement pour les bus

Pour y parvenir, le gouvernement compte soutenir financièrement l’industrie du transport en commun, assurant ainsi le succès du projet : des services fréquents en zone urbaine, et fiables dans les zones les moins densément peuplées. Les services de transport “à la demande” font pleinement partie des moyens identifiés. Il s’agit de services de bus qui ne suivent ni horaires fixes, ni itinéraires prédéfinis, mais qui se déplacent selon les réservations des usagers. Les trajets sont optimisés grâce à des algorithmes et le service rendu est d’excellente qualité. Un investissement de 3 milliards de livres est d’ores et déjà sur la table. 

Signe que le vent a tourné outre-Manche, la ville de Manchester veut, après Londres, être la deuxième agglomération à revenir sous le contrôle de la puissance publique. Comme dans le reste du pays, la fréquentation y était en berne bien avant la pandémie. La dérégulation avait produit un système de tarification ubuesque, des prix indécents et laissé des territoires entiers non desservis.

Des décisions contestées par les opérateurs

Les bus de la région y seront gérés comme à Londres et les opérateurs de transport pourront enchérir pour y proposer leurs services sur un modèle de “franchise”, l’équivalent des délégations de service public (DSP) en France. 

Andy Burnham, le maire de Manchester, fait face à une forte opposition des opérateurs. Ceux-ci seront bien moins libres de pratiquer des tarifs prohibitifs et de choisir de ne desservir que les lignes les plus rentables. Le différend doit être résolu devant les tribunaux, mais trois autres villes ont déjà fait part de leur intention de rendre à leur tour le bus à la collectivité. 

Pour que le transport public joue pleinement son rôle dans la transition vers le net zéro carbone, les collectivités reprennent la main tout en s’appuyant sur les compétences du privé. Une stratégie et de vraies mises en concurrence là où vivaient des monopoles privés, cela peut donner de beaux résultats.

 

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