close

Reconnecter les territoires ruraux au Royaume-Uni : entretien avec Stuart Eccles du comté du Lincolnshire

Le comté de Lincolnshire au Royaume-Uni dispose d’une solution de Transport à la Demande depuis 20 ans. Depuis quelques semaines, le territoire a adopté la technologie de Padam Mobility pour exploiter son service. Grégoire Bonnat, PDG et co-fondateur de Padam Mobility, a interviewé Stuart Eccles, responsable TàD, à propos de l’impact de ce changement sur leur service et leurs utilisateurs.

Qu’est-ce que Call Connect ?

Call Connect est le service de bus que nous exploitons dans le Lincolnshire, un comté très rural qui a des difficultés historiques de transport, du fait de la dispersion géographique des villages et de la difficulté à se rendre d’un point A à un point B. Ces villages sont éloignés des principaux moyens de transport. Au cours des 20 dernières années, le comté a mis en place un système de Transport à la Demande pour garantir que chaque village ait un accès adéquat aux transports publics.

Qui sont les usagers et à quels types de besoins le Transport à la Demande répond-il ?

La majorité des usagers sont des séniors qui ne conduisent pas eux-mêmes. Il leur est aussi difficile de marcher pour accéder aux arrêts des lignes de bus principales. Nous transportons également un grand nombre d’écoliers et lycéens.

Je pense que l’un des grands avantages du Transport à la Demande est la possibilité d’utiliser de petits véhicules. Cela nous permet d’offrir un service plus personnalisé, de porte à porte, et de répondre aux besoins de transport des personnes à mobilité réduite.

Le service de transport à la demande rend le travail des conducteurs beaucoup plus facile

S’il n’y avait pas de service de Transport à la Demande, les gens utiliseraient leur voiture personnelle. Existe-t-il d’autres alternatives pour eux ?

Ils auraient du mal à se déplacer car les taxis coûtent très chers dans les zones rurales. Donc, si Call Connect n’existait pas, les usagers ne pourraient compter que sur leurs voisins et leurs amis pour se déplacer.

Call Connect est en place depuis 20 ans et vous avez ressenti le besoin de changer quelque chose. Qu’est-ce qui a évolué d’un point de vue opérationnel ?

Notre principal objectif est de rendre l’accès au service aussi simple que possible. Aujourd’hui, tout passe par les applications mobiles, en particulier chez les jeunes. Pour eux, il est inenvisageable de devoir téléphoner pour réserver leurs trajets. Nous espérons pouvoir engager ce segment d’usagers et les inciter à utiliser les transports publics plus souvent. 

Nous espérons que le résultat permettra de faciliter l’utilisation pour les usagers actuels, mais aussi d’attirer de nouvelles populations.

Est-ce aussi plus facile pour les conducteurs ? 

Pour les conducteurs, le système est très intuitif. Il leur rend la vie infiniment plus facile parce qu’ils peuvent accéder aux informations dans un format pratique, en particulier grâce aux options de navigation fournies avec l’application.

Pensez-vous que cela aura également un impact sur les fréquentations ?

Nous l’espérons ! Lorsque nous avons commencé il y a 20 ans, nous n’avions que la possibilité de faire des réservations par téléphone et c’est tout ce que nous avons eu pendant longtemps. Lorsque nous avons introduit la réservation en ligne depuis une page web, nous avons constaté une augmentation du nombre de passagers. L’application permet aux usagers de réserver leurs trajets en dehors des heures “normales” de réservation. Cela pourrait inciter plus de gens à utiliser le service. Avec l’application, les usagers peuvent avoir un aperçu de toutes les possibilités de trajets dans la journée. Nous espérons donc que le résultat sera non seulement de faciliter l’utilisation du service par les usagers actuels, mais aussi d’attirer de nouvelles populations.

Cela pourrait même changer le comportement des usagers et leurs manières d’organiser leurs journées…

Je pense que vous avez raison. Les premiers jours, nous avons constaté que les réservations sont réalisées à une heure plus proche de celle du déplacement. Le service a toujours ouvert la réservation jusqu’à 7 jours à l’avance, ce qui est parfait si l’usager effectue des trajets réguliers, comme aller à l’école et au travail. Mais s’il doit prévoir de faire ses courses une semaine à l’avance parce que c’est seulement à ce moment-là qu’il peut être sûr d’avoir un transport, cela devient vite contraignant. 

Si les passagers peuvent réserver pour le lendemain ou, mieux encore, pour le jour même, cela changera leurs habitudes. Si vous avez la possibilité de partir le jour même et que vous avez la certitude de pouvoir faire votre réservation, c’est génial, surtout ici au Royaume-Uni où le temps peut changer à tout moment. 

La granularité des données est énorme. Le fait de pouvoir voir le nombre de passagers par heure sur une journée, sur une semaine, nous permet de mieux comprendre comment les gens utilisent le service, quand ils l’utilisent, ainsi que les pics et les creux de fréquentation. Cela nous donne une bonne visibilité sur la façon dont le service doit se développer, nous pouvons directement avoir accès aux besoins des usagers.

Je suppose que d’un côté il y a des personnes contentes que le système évolue et d’autres, qui sont toujours satisfaites de la manière dont ils ont toujours utilisé le service. Est-il important pour vous de maintenir cet équilibre ? 

Absolument ! Il y a encore un grand nombre de personnes qui accèdent au service par le biais de la centrale d’appels, et cela restera toujours le cas. Pour ces usagers là, il peut parfois s’agir de l’unique appel qu’ils passent dans la semaine. Il est donc très important pour eux d’avoir cette interaction humaine, car ils sont souvent très isolés dans les communes rurales. C’est un véritable exercice d’équilibre. Il s’agit de faire évoluer le service et de le mettre au goût du jour avec une technologie moderne tout en maintenant le niveau de service auquel nos usagers historiques sont habitués.

Comment utilisez-vous les données générées par le service ?

Les données que nous recevons à notre niveau sont l’une des plus grandes avancées que nous ayons eues grâce à cette transition vers la solutions de Padam Mobility. Nous avons une meilleure visibilité sur les performances du service. La granularité des données est énorme, être capable de voir le nombre de passagers par heure sur une journée, sur une semaine, nous donne un meilleur aperçu de la manière dont les gens utilisent le service, quand ils l’utilisent, ainsi que les pics et les creux. Cela nous donne une bonne visibilité sur la façon dont le service doit se développer, nous pouvons directement avoir accès aux besoins des usagers.

La possibilité de cartographier les flux est un énorme bond en avant, car elle permet de visualiser graphiquement tous les flux existants et de voir quelles zones sont les plus demandées.

Nous avions l’habitude d’analyser les données brutes dans des documents Excel, de les manipuler et d’essayer de leur trouver un sens, ce qui était assez laborieux. Aujourd’hui, la manière dont les statistiques sont présentées est phénoménale. Elle permet une compréhension plus rapide de la donnée.

Aussi, l’une des fonctions les plus intéressantes est le retour d’expérience des usagers : ils peuvent évaluer et donner leur avis sur chaque trajet. Historiquement, on ne voyait que les deux extrêmes, le très bon ou le très mauvais. Aujourd’hui, nous en voyons tout le spectre. Les retours constants que les passagers peuvent nous donner sur le déroulement de leurs trajets, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils n’ont pas aimé, est formidable car il nous donne l’occasion de revenir vers nos opérateurs et nos conducteurs pour leur dire qu’ils font du bon travail, ce qui est très apprécié. 

Il se passe beaucoup de choses autour de la mobilité au Royaume-Uni, et notamment de la mobilité rurale. Il semble y avoir une nouvelle ambition… 

L’année dernière, le Ministère des Transports a mis en place un financement important pour la mobilité rurale. Alors que le TàD est bien implanté dans le Lincolnshire depuis 20 ans, beaucoup de comtés ont récemment envisagé le Transport à la Demande et ont tenté de le mettre en place avec plus ou moins de succès. Aujourd’hui, le TàD est même poussé par le gouvernement.

L’année dernière a montré à tout le monde que les transports peuvent être envisagés d’une manière différente. Plusieurs autorités publiques ont mis en place des solutions de transport sur réservation et ont constaté que cela pourrait être un modèle viable lorsque nous sortirons de la crise du Covid-19. 

Je pense que le secteur du transport de personnes évoluera et sera très différent de ce qu’il est aujourd’hui. Il y a une transition vers les nouvelles technologies qui permet aux gens d’interagir avec elles d’une manière plus fluide. La technologie aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était il y a à peine cinq ans, où il est beaucoup plus facile pour les acteurs du transport de mettre en place un service intelligent rapidement.

La chronologie de ce pilote est également assez intéressante car il intervient au moment où le Royaume-Uni se déconfine après cette période de Covid-19 très difficile…

Oui, l’année a été difficile pour tout le monde. Nous avons lancé le service en douceur pour essayer de l’intégrer dans les usages. Nos usagers l’ont utilisé tout au long de la période de confinement, afin de s’y habituer. 

Le TàD n’est pas nécessairement la solution de transport la moins chère. Cependant, il offre le meilleur rapport qualité-prix à certains endroits.

Il y a aussi le sujet de la durabilité et le Royaume-Uni fait preuve d’une forte ambition dans ce domaine également. Mais cela se passe aussi au niveau local, n’est-ce pas ?

En ce qui nous concerne, nous sommes en partenariat avec quelques autorités locales du sud du comté et nous étudions la possibilité de mettre en commun nos ressources pour rendre le service durable sur le long terme, car le TàD n’est pas nécessairement la solution de transport la moins chère. Toutefois, il offre le meilleur rapport qualité-prix à certains endroits. L’empreinte carbone est plus faible car les services ne fonctionnent que lorsque les gens veulent les utiliser. 

Il y a aussi la possibilité de faire circuler des véhicules électriques ou hybrides, ce qui s’inscrit également dans le plan environnemental que le gouvernement et les autorités publiques locales étudient de près. La technologie contribue fortement à cette démarche de transition écologique.

L’avenir est donc prometteur pour Call Connect ?

Absolument oui ! Cela a mis du temps à arriver. Nous sommes très satisfaits de la manière dont le pilote fonctionne et je suis convaincu qu’il apportera un nouveau souffle au service et encouragera davantage de personnes à l’utiliser, ce qui est notre objectif ultime.

 

Cet article pourrait vous intéresser : Transport public au Royaume-Uni: la variante anglaise

En savoir plus sur les solutions de Transport à la Demande Padam Mobility.